Montréal, l'aventure c'est l'aventure, girl in the city, un an plus loin, le soleil, le manque de soleil, screenwritting, music,
not the instagram mess ;) !
J'ai eu l'occasion de revoir ce film, pour mes travaux de fin de session. Cette aventure amoureuse hors des contraintes, à côté de la mer, ponctuée par les poèmes de Rimbaud, ne m'avait pas laissée insensible. Aujourd'hui j'en fais une lecture un peu différente : la critique des médias par exemple, ou les mécanismes de réflexivité (regards à la caméra, apostrophes du spectateur, clins d'oeil aux autres films et acteurs de la nouvelle vague, etc)...
J'aime également l'attitude de Godard envers "la vie" en général, et non envers les gens en eux-mêmes. Il l'explique via le personnage de Ferdinand -anti héros- " j'ai une idée de roman" dit-il, "j'ai décidé de ne plus décrire la vie des gens, mais seulement la vie : l'espace, le son et les couleurs" : voyelles. Cette idée d'espace, de mouvement, de gestes forts, apparait souvent dans la bouche de Pierrot ("j'm'appelle pas Pierrot, j'm'appelle Ferdinand") en écho à Marianne, sa muse : "je voudrais que le temps s'arrête, tu vois je pose la main sur ton genou, c'est merveilleux, c'est ça la vie".
Marianne liée à un traffic d'armes doit fuir Paris, Ferdinand fatigué par les mondanités de sa femme -fille de nespresso- l'accompagne et quitte tout, "- tu sais que ta femme est venue ce matin ? - dans le fond je m'en fous totalement - il n'y a pas que ça - puisque je te dis que je m'en fous totalement". Une histoire compliquée, partir vite, dans le midi. Le couple se retrouve pendant quelques temps sur une plage, recherchés par la police, ils ne s'en soucient guère. J'ai choisi de retranscrire la séquence de la lune au bord de l'eau, parce qu'elle fait écho à "Pierrot", et évoque la Marianne "qui ne pense qu'à rigoler", le Ferdinand lucide.
MARIANNE
On la voit bien la lune hein?
FERDINAND
Moi je vois rien de spécial.
MARIANNE
Si moi j'vois Leonov ou cet américain là White...
FERDINAND
Ah oui je les vois aussi, mais c'est ni un popof, ni un neveu de l'oncle sam, j'vais te dire qui c'est ...
MARIANNE
Qui c'est ?
FERDINAND
C'est le seul habitant de la lune, tu sais ce qu'il est en train de faire ? Il est en train de se barrer à toute vitesse.
MARIANNE
Pourquoi ?
FERDINAND
Parce qu'il en a marre, regarde quand il a vu débarquer Leonov il était heureux, tu parles, enfin quelqu'un à qui parler, depuis des éternités qu'il était le seul habitant de la lune. Mais Leonov a essayé de lui faire entrer de force les oeuvres complètes de Lénine dans la tête. Alors dès que le White a débarqué à son tour : il s'est réfugié chez l'américain, puis il a même pas eu le temps de dire bonjour que l'autre lui foutait une bouteille de coca-cola dans la gueule, en le forçant à dire merci d'avance, alors il en a marre, il laisse les américains et les russes se tirer dessus et il s'en va.
MARIANNE
Où il va ?
FERDINAND
Ici, parce qu'il trouve que t'es belle, il t'admire.
J'trouve que tes jambes, et ta poitrine, sont émouvantes.
Hello everyone !! -13 dans les rues de Montréal, des flocons, les décorations de Noël qui s'installent.
Soirée Morning Fever hier soir, disco funk dans un appartement prêté pour la nuit, avec tableaux aux murs, effectivement le lendemain : fièvre du matin, rentrer à 5h quand il fait -13, c'est plus compliqué ! Mais je suis vivifiée no worries.
Les mecs de Forbidden Planet ont ajourd'hui organisé une vente de quelques uns de leurs vinyls dans le Mile End ; au début je trouvais ça particulièrement étrange : quelle idée de se débarasser de ces objets qui valent, et pour lesquels on remue ciel et terre (entre vinyls à l'autre bout du monde, et petite presse, si, c'est la guerre). Finalement, j'ai beaucoup apprécié leur léger détachement, leur envie de mouvement. D'autres mains s'aggripent à la musique et cela veut dire plus d'espace, plus de moyens dans un esprit detransition.
"FP records Montreal, by appointment only."
J'ai pu trouver plusieurs disques :
* Une réédition (original de 88, Chicago) de Bernards Got The Funk sur le label allemand Mojuba. En 2012, j'ai eu la chance de prendre quelques cours de mix avec un prof pas mal documenté qui m'a donné le goût des morceaux de Bernard Badie : je recommande vraiment Time Reveals, Vicious Cycle, et sur l'Extended Play Funk : My First Love.
* Un chouette disque de Master C&J que je cherchais : Master Of Love, sur StreetSide Records (Chicago), c'est un morceau que j'ai sur mon téléphone, le genre que je peux écouter dans le métro : la voix de Liz Torres réchauffe le coeur. Paul Trafford m'a avoué l'avoir trouvé chez Death of Vinyl.
* Un Ep de Dj Sotofett feat Madteo sur Wania (Norvège), There's gotta be a way. J'ai déjà un Ep de Madteo, c'est vrai que tout de suite son nom m'a attiré en fouillant dans le bac de Jurg Haller : à l'écoute, la basse très "grasse" et sexy m'a plu. Un ep qui vaut son pesant de cacahuètes car pressé en peu d'exemplaires.
* Une surprise sur le label néérlandais Rush Hour, Tracks from the Vault number 2, Tom Trago et Terrence Dixon. Petit bijou de construction rythmique, joli artwork sur le macaron.
* And I grabbed the Forbidden Planet 002 : Breaker !!! 003 is on the way... 001 being repressed ...
***
Bonne nuit depuis Sky City et son ciel plein de neige, wish you a very quiet sunday. (Ah oui c'est beaucoup, beaucoup plus beau en vrai.)
" No one in Montréal comes close to the sound of FP! "
Soirée au bout du bout du Mile End. Un appartement plus petit (capacité limitée) que pour la précédente soirée à la Brique, forcément plus d'attention pour la musique, plus d'espace, un peu moins de drague.
+++Forbidden Planet Presents+++
Kondaktor [Modal Analysis, Further]
Kondaktor aka. Slydex has been an integral part of Athens' techno scene for close to a decade. In 2012 he co-founded the experimental techno label Modal Analysis which has released a string of excellent EPs all of which test the possibilities of techno. Recently he also released a cassette on one of my all time favorite labels, Further.
Slydex sets go from industrial techno to experimental to sleazy chicago house, and back again. They showcase his varied influences and unique approach to club music. Needless to say he's a great fit for FP and we're super excited to have him here. Rest up your legs and catch up on sleep because this isn't going to be a party you'll want to miss.
& Residents
Jurg Haller
Paul Trafford
Finalement, ce sont les résidents qui ont illuminé ma soirée. Des Djs enfin, vinyl only et mélange des genres : quoi qu'on en dise, quand Slydex est arrivé, sur contrôleur avec laptop, j'ai un peu décroché au début.
Regarder les mains sur les disques, je ne m'en lasse pas, accélèrer, ralentir, écouter. C'est particulièrement sexy. Ca aussi, c'est la vie (sinon y'a l'italien). Si vous n'avez jamais vu un bon set sur vinyls, vous devriez y songer, c'est une des belles choses que je connaisse.
Bref j'adore l'univers de ces mecs, qui ne m'a pas lâchée de la nuit :
Tiens, voilà un tag qui serait intéressant sur instagram (never stop never stop).
C'est un des moments les plus déstabilisants de l'année : le coucher de soleil qui arrive à 4 heures. Une étrange impression flotte dans l'air et tout le monde m'en parle, à l'école, depuis la France, dans la rue, sur un escalator, certains le disent même sur facebook : "ah novembre..." ; "j'ai plus le goût de ma job" ; "l'impression qu'il n'est plus là même quand il est là,ca me brise le coeur" ;"on est en conflit avec un de mes collocs" ; "ma soeur n'accepte pas que je sois amoureux de sa meilleure amie" ; "c'est novembre, i'm lost, et la boule au ventre" "marre d'ici, vivement ailleurs".
Dès les premiers jours de décembre, l'enthousiasme collectif reprendra, dans la spendeur des loupiotes rouge et verte.
Tonight, Forbidden Planet 17, comme je disais l'autre jour, la techno c'est thérapeutique, le kick au creux de l'oreille, ça fait taper du poing : diziz my life.
Cet après midi j'ai eu la chance d'assister à un cours d'un prof qui a espoir. Oui ça faisait longtemps que j'attendais ce moment où, un mec devant un amphi donnerait à ses jeunes matière à survivre : parce qu'en vrai, c'est ça le métier de professeur, donner les moyens de survivre en incitant son auditoire à tenir des discours, à chercher, à créer. Bref à se réveiller la conscience, je ne le dirais jamais assez.
Le fait de fumer un joint, user d'anxiolytiques ou de petits verres d'alcool, n'est-t-il pas indépendant de notre volonté désormais ? Il s'agit d'oublier plutôt que de se souvenir, et le monde s'orchestre en ce sens.
Je décide de vous faire part d'un bout du cours, et de quelques remarques : j'imagine qu'à Marseille, Avignon, Saint-Etienne, New-York, Valence, Paris et Montréal, on continue éventuellement à me lire.
Théorie de Jean Baudrillard sur les simulacres modernes, in simulacres et simulation 1981
Par Stéphane Leclerc, uqam, 2013
La société post-industrielle est une société du spectacle qui vit dans l'extase de la communication.
En prenant en compte cet aspect ci de la post-modernité, on observe un changement entre le réel, et sa reproduction dans les limites les plus extrêmes. Le réel devient ce qui est toujours déjà reproduit : naissance de l'hyper-réel en pleine simulation.
Le simulacre est un double opératoire, c'est à dire une machine descriptive parfaite qui fournit toutes les traces du réel mais qui en court-circuite les possibilités d'adaptation, d'anticipation (ou vicissitudes de la vie, suites d'évènements heureux et malheureux).
Baudrillard, confronté au monde télévisuel et à la communication instantanée, dit que les êtres humains ont perdu les éléments de projection psychologique vis à vis du monde environnant. Ce qui était auparavant perçu comme une scène imaginaire et métaphorique, se dissout maintenant dans la réalité.
Cette réalité ne véhicule plus d'abstractions, de métaphores, d'allégories, et se retrouve dans un espace absolu et limitatif qu'est celui de la simulation, des simulacres : de l'hyper-réalité du monde dans lequel on se retrouve.
A travers cette hyper-réalité de la simulation, les êtres humains sont devenus une composante complexe de "l'univers masse médiatique". Cette idée implique que notre monde privé finit par être compromis par l'envahissement de la nature même de notre moi conscient, et encore pire, de notre inconscient. Nous ne sommes plus capables de véhiculer un mode de vie personnel : on véhicule un mode de vie préconçu, appris, en somme médiatisé par un ensemble de considérations.
Selon Baudrillard, il y aurait une dématérialisation de la réalité vécue par les gens "et si la réalité se dissolvait sous nos yeux ? Non pas dans le néant, mais dans le plus réel que le réel : dans le triomphe des simulacres".
Les êtres humains vivent une perte de contact avec la réalité due à sa reproduction, donc, à la reproduction continuelle du réel.
Le sujet est placé dans une position d'omniprésence et d'omnivoyance à distance : perte de tout contact avec l'extérieur. Exemple : le désinvestissement affectif des bombardiers qui ciblent via des écrans.
L'allégorie de Borgès : les cartographes de l'empire :
Tradition des cartes topographiques tellement bien réalisées qu'elles finissaient par recouvrir entièrement le territoire. La tradition se perd et les morceaux de cartes finissent par pourrir à la pluie et au soleil.
Aujourd'hui l'abstraction n'est plus celle de la carte, du modèle, du double. Aujourd'hui c'est la carte qui triomphe sur le territoire. Ce sont les petits bouts du réel qui pourrissent et non les petits bouts de carte. Le territoire ne survit pas, et la carte devient le modèle génératif par lequel l'hyper-réel se construit.
--> différence entre :
* simuler = feindre d'avoir ce qu'on a pas = absence
* dissimuler = feindre de ne pas avoir ce qu'on a = présence
Celui qui dissimule laisse intact le principe de réalité, tandis que la simulation remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire.
Le simulacre trompe la conscience en nous détachant de tout engagement émotionnel réel.
La simulation, et les images modèles, produisent de l'oubli plus que de la mémoire.
Exemples de simulacres :
Le cas des indiens Tazaday découverts aux Philippines en 1971, mis en péril par l'ethnologie :
" L’évolution logique d’une science est de s’éloigner toujours davantage de son objet, jusqu’à se passer de lui : son autonomie n’en est que plus fantastique, elle atteint à sa forme pure.”
Ramsès II :
"Ramsès ne signifie rien pour nous, seule la momie est d’un prix inestimable, car elle est ce qui garantit que l’accumulation a un sens. Toute notre culture linéaire et accumulative s’effondre, si nous ne pouvons pas stocker le passé en pleine lumière. (...) Nous ne savons plus que mettre notre science au service de la réparation de la momie, c’est-à-dire restaurer un ordre visible, alors que l’embaumement était un travail mythique visant à immortaliser une dimension cachée."
L'Amérique : une utopie qui s'est vécue et réalisée en tant que tel, donc à travers son faux rapport à la réalité.
La télévision et sa culture mosaïque ; la jeune fille qui prend des photos du match de hockey, et ne profite que de l'envoi de ces photos à ses amis, le casino et Las-Vegas, le zoo où l'animal est dénaturé dans le milieu modélisé (ours dépressifs et pingouins du biodome), disney world.
Le cinéma hollywoodien, est un simulacre par excellence, mais le problème n'est pas là. C'est la dépendance du sujet qui fait l'objet d'inquiétude, en tant que soumission totale à la forme et au modèle.
Références à Guy Debord, La société du spectacle et Se distraire à en mourir, Niel Postman.
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Bon, après cela, l'amphithéâtre s'est échauffé suite à la présentation d'un simulacre "Céline Dion", où photoshop a pas mal bossé. Leclerc s'évertue à dire que le problème actuellement n'est plus le simulacre, mais notre regard, et la nécessité d'un discours, d'un oeil éveillé sur cette photo de Céline, éventuellement.
Inutile de vous précisez, à quel point la thèse de Baudrillard prédisait facebook, instagram "les applications gratuites qui font de nous des produits" etc. Ce soir j'ai continué mes recherches et l'aspect politique de l'oeuvre de Baudrillard, non évoquée en cours, s'applique étrangement à mon ressenti, à mon sentiment d'abandon vis à vis des nations :
"Le capital, lui, n’a jamais été lié par contrat à cette société qu’il domine. Il est une sorcellerie du rapport social, il est un défi à la société, et il doit lui être répondu comme tel. Il n’est pas un scandale à dénoncer selon la rationalité morale ou économique, il est un défi à relever selon la règle symbolique.”
" Enfer de la simulation, qui n’est plus celui de la torture, mais de la torsion subtile, maléfique, insaississable, du sens.”
" Il s’agit toujours de faire la preuve du réel par l’imaginaire, la preuve de la vérité par le scandale, la preuve de la loi par la transgression, la preuve du travail par la grève, la preuve du système par la crise et celle du capital par la révolution.”
"Du même ordre que l’impossibilité de retrouver un niveau absolu du réel est l’impossibilité de mettre en scène l’illusion. L’illusion n’est plus possible, parce que le réel n’est plus possible. C’est tout le problème politique de la parodie, de l’hypersimulation ou simulation offensive, qui est posé.”
"La seule arme du pouvoir, sa seule stratégie contre cette défection, c’est de réinjecter partout du réel et du référentiel, c’est de nous persuader de la réalité du social, de la gravité de l’économie et des finalités de la production. Pour cela il use de préférence du discours de la crise, mais aussi, pourquoi pas? de celui du désir.” : leurre de mai 68, "prenez vos désirs pour la réalité".
"C’est le capital qui le premier s’est alimenté, au fil de son histoire, de la destructuration de tout référentiel, de toute fin humaine, qui a brisé toutes les distinctions idéales du vrai et du faux, du bien et du mal, pour asseoir une loi radicale des équivalences et des échanges, la loi d’airain de son pouvoir.”
"Tant que la menace historique lui venait du réel, le pouvoir a joué la dissuasion et la simulation, désintégrant toutes les contradictions à force de production de signes équivalents. Aujourd’hui où la menace lui vient de la simulation (celle de se volatiliser dans le jeu des signes) le pouvoir joue le réel, joue la crise, joue à refabriquer des enjeux artificiels, sociaux, économiques, politiques. C’est pour lui une question de vie ou de mort."
" Le pouvoir lui aussi ne produit plus depuis longtemps que les signes de sa ressemblance. Et du coup, c’est une autre figure du pouvoir qui se déploie: c’est celle d’une demande collective des signes du pouvoir – union sacrée qui se refait autour de sa disparition."
" Mélancolie des sociétés sans pouvoir : c’est elle déjà qui a suscité le fascisme, cette overdose d’un référentiel fort dans une société qui ne peut venir à bout de son travail de deuil."
Merci Elkorg-Projekt pour les citations.
Sur ce je vous laisse réfléchir, prendre ce que vous voulez et armer votre regard.
Peut être que je raisonne trop, autant de nerfs contractés dans mon cerveau, mais, je me souviens.
Ah et j'oubliais, l'amphithéâtre a applaudi à la fin du cours.